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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


face de l’ambassade d’Allemagne. Desvernine (que Ducasse appelait Gagliostro) avait si habilement placé les phonographes dans les cheminées que les ramoneurs ne s’en étaient pas aperçus ; dès lors, son rôle était fini ; il redevenait simple commissaire spécial (Robert Houdin). Ducasse, qui avait été mêlé à l’affaire, informait Picquart de ce résultat, Le « demi-dieu » était le capitaine de Lallemand, officier d’ordonnance du général des Garets, qui fréquentait chez la comtesse de Comminges. De passage à Paris, il regrettait de n’y pas trouver son ami Picquart, le « bon Dieu »[1].

Cette lettre eût étonné tout autre qu’Henry. Peut-être s’en amusa-t-il seulement. Le certain, c’est que, l’ayant fait copier avant de la réexpédier[2], il en employa la phraséologie pour la confection d’un nouveau faux. C’est le procédé classique, qui lui était familier. Le 15 décembre[3], il porta le document à Gonse : c’était une lettre adressée « au lieutenant-colonel Georges Picquart ; » il l’avait ouverte, parce qu’il avait pensé qu’elle venait d’un espion[4] ; il en ressortait que son ancien chef était au service du Syndicat des Juifs. La signataire « Speranza » écrivait dans le style des faussaires ordinaires d’Henry[5] :

Paris, minuit 35. — Je sors de la maison ; nos amis

  1. Cass., I, 192 ; II, 213, Picquart) II, 263, Mlle de Comminges.
  2. Procès Zola, I, 288, Picquart.
  3. C’est la date de la lettre que Pellieux montra à Picquart. (Procès Zola, I, 288 ; Cass., I, 192 ; Rennes, I, 451.)
  4. telle est la version de Gonse : « Une lettre venant d’Espagne a été ouverte, mais elle avait toutes les allures d’une correspondance provenant d’un agent du service des Renseignements. » (Cass., II, 161.) Gonse se coupe ; en précisant qu’il s’agit d’une lettre venant d’Espagne, il désigne bien la lettre de Ducasse, écrite moitié en espagnol, moitié en français.
  5. Comparer avec la lettre à l’encre sympathique, avec la fausse lettre Panizzardi, etc.