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SCHEURER-KESTNER


d’armée, prenez du repos… Finissez tout au 14e avant de passer au 15e ; vous y aurez beaucoup à faire[1]. » Picquart ayant été souffrant à Lyon, Gonse espère « qu’il se remettra assez vite[2] ». Il l’avait prié d’abord[3] de n’écrire que tous les deux ou trois jours ; à la réflexion, il parut plus prudent de l’obliger à une lettre quotidienne. Ainsi, on ne perdra jamais sa trace. Gonse transmet ce contre-ordre en précisant que « le ministre et le chef d’État-Major général désirent avoir plus fréquemment de ses nouvelles[4] ». Jamais les grands chefs ne s’étaient tant intéressés à un jeune officier. Ses rapports sur sa mission (dont il rougissait[5] devant les commandants des 14e et 15e corps) étaient trouvés excellents, donnaient toute satisfaction ; il faisait de bonne besogne. Pour que la comédie fût parfaite, Gonse chiffrait, çà et là, des phrases insignifiantes[6].

Henry lui écrivit aussi, mais cacha sa fourberie plus profondément, sous de la franchise :

Ainsi que je vous l’ai dit plusieurs fois avant votre départ, je suis fixé personnellement sur toutes les histoires en question, et j’ai les preuves les plus convaincantes sur ce que vous savez. Mais je ne veux rien dire et ne pourrai parler (ou agir si c’était nécessaire) qu’une fois en retraite, si le bon Dieu me prête vie. C’est-à-dire une fois libre de mon individu, alors que je ne serai plus soumis aux règles de la discipline.

  1. 23 et 28 novembre ; 1, 6, 9, 12, 14, 19, 22, 28 et 26 décembre 1896.
  2. 22 décembre.
  3. 23 novembre.
  4. 28 novembre.
  5. Cass., I, 191, Picquart.
  6. 1er décembre : « Envoyez-moi le résumé de vos instructions à votre écouteur de la rue de Lille. » Il s’agit de l’appartement aux microphone ». (Rennes, I, 553, Gonse.)