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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


pour effronté qu’il fût : « J’y suis, avoue-t-il, en très mauvais point, comme tout homme que l’on sait maltraité par les grands chefs[1]. » Et encore : « Ces gens là (ses camarades) font preuve à mon égard de la lâcheté qui est le fond habituel de leur caractère[2]… »

On remplirait des volumes de ses imprécations. Les Furies le tenaient.

Puis, à son tour, il se calma ; et Henry redevint son meilleur ami.

VII

Il avait, d’ailleurs, des soucis de toute espèce et s’inquiéta notamment d’avoir été découvert par Weil. Son infidèle ami est un coreligionnaire de Dreyfus ; les Juifs passent pour unis entre eux, dans une étroite solidarité. Depuis quelque temps déjà, Henry avait chargé Guénée de surveiller Weil[3]. L’agent sut seulement « qu’il dessinait beaucoup et décalquait des dessins ». (C’était pour ses études d’histoire militaire.) Un peu plus tard, Guénée signala l’arrivée à Paris d’Isaïe Levaillant, l’ancien directeur de la Sûreté générale, « fort dangereux individu, qui a renoué avec des agents renvoyés, Souffrain, Cesti, Dupas ; mais on ignore s’il a vu Maurice Weil, qu’il connaît très bien ».

Une autre conséquence de la rupture avec Weil n’était pas moins fâcheuse pour Esterhazy : la bourse

  1. 24 mars 1897.
  2. 5 avril.
  3. Le premier rapport de Guénée sur Maurice Weil est du 7 décembre 1896 ; le rapport sur Levaillant est du 29 janvier. La filature continua tout l’hiver. (Instr. Tavernier.)