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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


le souvenir n’en soit refroidi, la carrière politique de ce fidèle royaliste[1] ». Il spécifia nécessairement que le futur époux, si la combinaison aboutissait, aurait la gestion des fonds ; Esterhazy les placera chez Rothschild. « Prie le Dieu des armées, dans lequel je n’ai nulle confiance du reste, de te couvrir de sa protection… Mais, surtout, compte sur moi[2]. »

Il procéda avec méthode. D’abord il fit « marcher », à l’insu de Christian[3], la tenancière d’une maison de rendez-vous, où il avait une part de commandite (5.000 francs)[4] ; il avait, en outre, procuré à la dame

  1. Lettre d’avril 1897.
  2. Lettre de mai 1897.
  3. Christian, dans une lettre du 6 décembre 1898 qu’il adressa au journal le Rappel, proteste qu’il n’a rien connu de cette négociation, « rien, absolument rien ».
  4. Cass., II, 173, Dossier du conseil d’enquête Esterhazy, rapport du colonel Kerdrain en date du 22 août 1899 : « Dans un autre rapport de police, qui revêt un caractère de haute gravité, M. le commandant Esterhazy est accusé d’avoir accepté de commanditer, pour une somme de 5.000 francs, une proxénète qui tenait une maison de rendez-vous dans le quartier de la gare Saint-Lazare. Dans une des entrevues, le commandant déclara se nommer « Rohan-Chabot » et, quelques mois plus tard, il déclina son véritable nom : « Walsin-Esterhazy, officier supérieur de l’armée française. » À un certain moment, la proxénète dont les affaires étaient, paraît-il, moins que prospères, fit part de sa situation à celui qu’elle appelait « son associé ». Le commandant Esterhazy lui proposa de se charger, moyennant une forte somme, de trouver une jeune fille pour marier son neveu, âgé de 21 ans, qui habite Bordeaux avec sa mère. La susdite tenancière le mit, déclare-t-elle, en rapport avec un certain Roussel, sorte d’agent matrimonial, qui avait une jeune orpheline très riche à marier. Ledit Roussel posséderait des lettres du commandant. Nous avons, d’ailleurs, retrouvé au dossier une lettre rédigée sous forme de billet, dans laquelle le signataire (une simple lettre alphabétique pour le désigner) l’engage à faire toutes les démarches nécessaires, lui assurant, en cas de réussite, la somme de 10.000 francs. » — Esterhazy convient, d’abord, des faits (séance du 24 août 1898 ; Cass., II, 180). Puis, le 27, « il prétend qu’on imite si bien son