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SCHEURER-KESTNER


seulement qu’elle est l’œuvre d’un faussaire qui a cherché à imiter celle de Dreyfus[1].

Crépieux-Jamin[2] appliqua son ingénieuse méthode à déduire des deux écritures le caractère du condamné et celui du traître inconnu. Dreyfus est d’intelligence vive, « à la fois très sensible et très renfermé, presque insaisissable » ; « quelque chose de dur et de hautain éloigne la sympathie affectueuse » ; « il est doué d’énergie et de persévérance » ; et « médiocrement sociable ». Au contraire, l’autre écriture indique « un esprit faux et illogique », une « émotivité extrême », une énergie « faible et inconstante », « des passions à la merci des caprices de l’imagination », un « jugement médiocre », « un homme tout en dehors, extrêmement fourbe et dangereux[3] ».

Le suisse Rougemont (d’ailleurs antisémite) a la même vision des deux hommes. Le Juif, « qui est le plus jeune », est un être « plein de vie et d’action », un caractère « tout d’une pièce, tout d’un jet » ; on devine chez lui « une simplicité d’allures, une précision et une concision toutes militaires » ; sa volonté est « vive,

    (membre de l’Institut des Actuaires). — Preyer, de Berlin, l’auteur de la Psychologie de l’Écriture, conclut dans le même sens, mais mourut avant de pouvoir rédiger son mémoire.

  1. Crépieux-Jamin (de Rouen), Paul Moriaud (professeur à l’Université de Genève), Carvalho (expert judiciaire à New-York).
  2. Son livre sur l’Écriture et le Caractère a été ainsi apprécié par le philosophe Tarde : « Ouvrage tout pénétré du suc d’observations accumulées et coordonnées dans le plus judicieux esprit. » (Revue philosophique du 1er octobre 1897.) De même, Drumont : « Esprit sagace, à la fois imaginatif et attentif ; son volume est tout à fait exquis, plein d’observations charmantes, de fines déductions, d’aperçus parfois un peu subtils, mais toujours curieux. » (Libre Parole du 17 novembre 1895.)
  3. L’Affaire Dreyfus, deuxième mémoire, par Bernard Lazare, avec des expertises, 100.