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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Billot ne comptait plus que sur Bertin. L’officier informa Scheurer « qu’il avait mission de le voir[1] ». Scheurer retarda la conversation jusqu’au 16 octobre. Bertin lui répéta alors que Billot le suppliait de ne pas agir sans avoir causé avec lui. Scheurer promit de nouveau, mais ajouta : « Je n’ai d’ailleurs rien à lui dire, si ce n’est que je sais tout. »

Bertin, s’en retournant à Belfort avec le neveu de Scheurer, soupira : « Votre pauvre oncle ! On a acheté la presse pour le terrasser[2] ! »

Et il télégraphia au colonel Thévenet, officier d’ordonnance du ministre : « Il sera fait comme vous l’avez demandé[3]. » Billot comprit que la bataille était désormais inévitable. Il le dit à Boisdeffre, qui informa Gonse ; celui-ci avertit Henry ; — et Henry, d’urgence, manda Esterhazy à Paris.

    ancien officier général, ami personnel de Billot, serait allé trouver la famille Dreyfus de sa propre initiative, à une date où l’opinion n’était pas encore saisie des projets de Scheurer, mais où le ministre de la Guerre s’efforçait, par tous les moyens, de connaître le menaçant dossier ! — Martinie écrivit encore à Rochefort : « Mathieu Dreyfus, que j’avais vu dans un intérêt national et désintéressé, s’était engagé formellement à considérer notre entretien comme confidentiel. Il m’a trahi comme son frère a trahi la France. Mol, j’aime mon pays avant tout. » Cette lettre fut portée à la tribune de la Chambre par Ernest Roche, le 24 février 1898, au cours de son interpellation « sur les relations de M. le ministre de la Guerre avec la famille Dreyfus ». Dès le 12 février, quand l’interpellation fut déposée, Billot démentit en ces termes le récit du Siècle : « Jamais personne, de la part du général Billot, ministre de la Guerre, n’a été chargé de faire à la famille Dreyfus aucune communication d’aucune nature. » Il renouvela sa déclaration le 24, jouant audacieusement sur les mots. — L’un des amis de Mathieu, Jeanmaire (de Mulhouse), avisa aussitôt Scheurer de l’incident. (4 octobre.)

  1. Cass., III, 459, lettre (du 23 mars 1899) à Ranc ; Rennes, II, 50, Scheurer-Kestner ; 53, Bertin.
  2. Mémoires de Scheurer.
  3. Rennes, II, 55, Bertin.