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LA COLLUSION


À l’examen, cela fut écarté ; la venue d’Esterhazy pouvait être connue. On s’arrêta à l’idée, qui avait été déjà agitée, d’une lettre anonyme[1]. Cela parut à Gonse très pratique. Henry proposa un texte très court qui se terminait par ces mots : « Attendez crânement[2]. » Du Paty rédigea une missive plus développée, la copie, presque textuelle, de la lettre anonyme que Gonse venait de leur apporter[3]. Dès que Du Paty l’eût démarquée, Henry la reprit, pour ses archives. Mais avant de la classer, il y fit ajouter (par l’un de ses faussaires) les initiales de Du Paty, P. D. C., pour qu’elle lui fût attribuée plus tard. Si la lettre, quand Du Paty l’eût sous les yeux, avait porté ses propres initiales, sa signature, il s’en fût aperçu[4].

  1. Roget dit que ce fut Du Paty qui en eut l’idée (Rennes, I, 325) ; Du Paty dit qu’il lui serait impossible de préciser si ce fut Gonse ou Henry (Instr. Tavernier, 7 juin), et que l’idée préexistait à cet entretien. Gonse dit (Rennes, II, 159) que la proposition fut faite par Henry. « J’avoue que le moyen n’était pas fameux ».
  2. Gonse avait conservé ce brouillon, qui fut produit, le 7 Juin 1899, à l’instruction Tavernier, et reconnu par Du Paty.
  3. Cass., I, 445 ; II, 31, Instr. Tavernier, Du Paty. — Lauth dit qu’il ne se souvient pas de l’incident dont conviennent formellement Gonse (II, 197) et Boisdeffre (I, 558). « Ou bien, dit Lauth, j’ai quitté seul la chambre, en laissant les trois autres interlocuteurs. » (Cass., I, 423.) J’ai montré (p. 566, note 3) que Lauth assista seulement à la première réunion préparatoire du 16 octobre. De là, sa divergence avec Boisdeffre, Gonse et Du Paty sur ce point. D’ailleurs, vers cette époque, il quitta l’État-Major pour un régiment.
  4. La lettre, qui a été versée au dossier des diverses instructions, porte ces initiales. À la Cour de cassation, le président Lœw interroge Du Paty « sur la lettre P. D. C. » : « J’ignore, répond Du Paty, à quel document il peut être fait allusion. C’est la première fois que j’en entends parler. Je ne sais donc pas à quelle époque il faut l’attribuer. » Puis il raconte la réunion où « l’on a agité les moyens de prévenir Esterhazy » et dit qu’il proposa un texte, « la copie, presque textuelle, d’une lettre anonyme que le ministre venait de recevoir » (I, 445). Or, cette lettre, c’est la lettre P. D. C.