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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Boisdeffre de la lettre qu’il avait reçue d’Esterhazy[1].

Cependant, on poussa, jusqu’au bout, la comédie jugée bonne. Il fut convenu qu’Esterhazy demanderait à Brault s’il ne se souvenait pas d’avoir prêté la notice sur Eupatoria « à un officier du ministère de la guerre », et de la lui avoir envoyée à son domicile[2]. Henry écrivit à Esterhazy d’adresser sa lettre à Toulouse : « Brô est à Paris, mais vous l’ignorez. » Il lui annonce que « le général va faire interroger cet officier et qu’on en établira un procès-verbal[3] ».

Brault, absent de Toulouse, ayant tardé à répondre, Esterhazy lui adressa une dépêche comminatoire : « Votre silence plus prolongé me confirmera que vous avez communiqué ma notice à un tiers de votre grade. » Sur quoi, Brault répondit à Esterhazy qu’il entendait son nom pour la première fois, ne s’était jamais occupé d’Eupatoria, ne lui avait point demandé

  1. Dép. à Londres, 1er mars.
  2. Cette lettre, du 29 octobre 1897, fut produite à l’enquête Pellieux, à l’instruction Ravary et au procès Esterhazy. En voici le texte : « Mon cher camarade, permettez-moi de faire appel à vos souvenirs pour un renseignement du plus grand intérêt pour moi. En février 1894, je vous ai envoyé, sur votre demande, une notice relative au rôle joué en Crimée par le 4e hussards à Eupatoria, un des régiments qui se trouvaient alors sous les ordres de mon père. Bien que je vous aie envoyé ce petit travail chez un de vos amis, rue de Lafayette ou rue de Châteaudun, si mes souvenirs sont exacts, parce que vous alliez partir en permission, je n’ai pas reçu de réponse de vous. J’aurais grand intérêt à savoir, le plus tôt possible, si vous n’auriez pas le souvenir d’avoir à cette époque, ou par la suite, prêté ce petit travail, sans valeur pour eux, à un de Vos camarades du ministère de la Guerre. Veuillez agréer, etc… »
  3. Dép. à Londres, 1er mars 1900. — À son procès, comme aux enquêtes précédentes, Esterhazy raconte : « J’ai cherché au ministère de la Guerre ; le capitaine Brault n’y était plus ; il était parti sans laisser d’adresse, mais j’ai su qu’il était en garnison à Toulouse. » (127.) — « Je finis par découvrir qu’il était à Toulouse. » (Cass., II, 93.)