Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 2.djvu/624

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
614
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


d’incertitude, combatif et ergoteur, voulant et ne voulant pas, il n’a pas plutôt poussé Scheurer en avant qu’il le rappelle et l’arrête.

Scheurer ignorait, en effet, que Leblois n’avait rien dit à Picquart de leurs projets[1].

Au début de l’été, l’avocat avait écrit deux ou trois fois à Picquart, pour lui faire préciser quelques détails[2] et l’aviser qu’il s’était ménagé un sûr accès auprès du gouvernement, grâce à des amis influents, que, d’ailleurs, il ne nomma pas. Mais Picquart avait repris son service sous un chef et parmi des camarades qui l’estimaient. Les autres, ceux qui veulent que Dreyfus soit et reste coupable, il les oubliait avec ces vrais soldats, dans le paisible accomplissement de son devoir militaire. Le nuage avait passé. Il répondit en conséquence à Leblois « de ne plus le mêler à cette affaire et de ne pas continuer à s’en occuper » ; il lui renouvela seulement « la consigne d’agir si jamais il était à nouveau menacé[3] ». Au surplus, quand il viendra en congé, à Paris, il verra par lui-même ce qu’il convient de faire.

Leblois comprit aussitôt qu’il était allé trop loin ; mais il n’osa pas avouer à Picquart combien il l’avait déjà engagé, et se tut. Il craignait les reproches du colonel, et, pis encore, quelque désaveu qui eût tout compromis. Deux mois durant, il ne lui écrivit pas un mot[4]. Son propre frère, officier d’artillerie, se rendit

    bénéfice de la maxime : Non bis in idem. D’ailleurs les événements ont prouvé que Picquart avait besoin d’être défendu. » (Instr. Fabre, 116, 177, 181, 196, etc.)

  1. Enq. Pellieux, 30 nov. 1897, Picquart ; Instr. Fabre, 138, Leblois.
  2. Enq. Pellieux, 30 nov., Picquart.
  3. Rennes, I, 461, Picquart.
  4. Enq. Pellieux, 30 nov., Picquart.