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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


qu’aux derniers sous-ordres de l’insolent chef d’État-Major.

Il y a quinze mois, Picquart, dans un même entretien, avait révélé à Boisdeffre la trahison d’Esterhazy, et signalé que le ministre, sur les cent mille francs de crédit supplémentaire alloués au service des Renseignements, en avait retenu quatre-vingt mille. « Pour ma police secrète », explique Billot[1]. Quelle police ? La police militaire est tout entière au bureau des Renseignements. Pour lui-même, raconte Henry[2]. Cela suffisait à Boisdeffre pour effrayer Billot, le faire marcher, consentir à tout. S’il y eut autre chose encore, c’est possible, mais cela suffisait.

Billot, à l’en croire, se serait décidé, « après des nuits d’insomnie », à tenir Dreyfus pour coupable ; cependant, il savait que le capitaine avait été illégalement condamné, et, aussi qu’Esterhazy était un espion[3]. Or, il prend sa part dans le sauvetage du traître.

D’abord, comme Méline s’est inquiété de tout ce bruit, il lui affirme qu’il n’a nul doute sur la culpabilité de Dreyfus, que Scheurer est dupe d’agitateurs sans scrupules, que cette intrigue, sans consistance, a été montée par des juifs. Il lui montre, ou lui récite, la fausse lettre de Panizzardi[4]. Il rassure également les autres ministres. Il faudra que le nom de Picquart éclate publiquement (par Henry, par Esterhazy), pour

  1. Rennes, I, 566, Billot.
  2. Voir p. 560.
  3. Cass., I, 697, Jules Roche ; 294, Poincaré.
  4. Méline a su précédemment de Billot que des pièces secrètes avaient été communiquées aux juges, et qu’il y avait des « preuves récentes «. Il l’avait dit quelques mois auparavant à Demange, son compatriote vosgien et son ancien confrère, qu’il rencontra dans la rue, toutefois sans insister, vaguement et doucement.