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LA COLLUSION


reprend ! Scheurer et ses amis, s’ils l’avaient fait exprès, n’auraient pu choisir une heure moins opportune. Est-ce que l’innocent (s’il est innocent) ne peut pas attendre les élections ? Qu’est-ce que cette Justice qui trouble, dérange les combinaisons des candidats ?

Ainsi raisonnent les amis du ministère ; mais ses adversaires, radicaux et socialistes, ne raisonnent pas avec plus de noblesse. Seule, la politique les obsède. La cause de la revision n’est pas populaire ; il suffit. Si Méline suit le courant, ils le suivront avec lui[1].

Cependant, malgré la mauvaise humeur qui est générale, la grande majorité des députés attend le verbe ministériel, soulagée et rassurée si Méline et Billot déclarent que Dreyfus a été bien jugé, mais capable encore de sang-froid si le Président du Conseil, que ses adversaires eux-mêmes tiennent pour un honnête homme, et si le ministre de la Guerre avouent que Dreyfus a été illégalement jugé et qu’il existe, en sa faveur, des présomptions d’innocence. La Chambre, non sans ennui, eût laissé la parole à de nouveaux juges.

XVIII

C’était encore l’espoir de Scheurer. Si le Président de la République a refusé de l’entendre et si Billot a rusé avec lui, Méline, du moins, fera son devoir. Il

  1. Dépêche du 31 octobre 1897 : « L’accusé, écrit Camille Pelletan, était trop soutenu pour être de ceux que l’on condamne sans motifs. Les preuves que le conseil de guerre, si sollicité qu’il fût, a jugées suffisantes, semblent ne laisser aucune place au doute. On parle des tortures du condamné ; mais il y a un autre intérêt en jeu : l’honneur du conseil de guerre. »