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LA COLLUSION


même l’enquête de Billot ; il atteste que Dreyfus est innocent. Méline reste froid.

Il parut évident à Scheurer que l’étroite consigne de Leblois ôtait toute force probante à ses discours. Il supplia donc l’avocat de le dégager. Celui-ci accepta de montrer lui-même les lettres de Gonse au Président du Conseil et il accompagna Scheurer au ministère[1].

Mais Méline refusa de recevoir Leblois tant qu’il n’aurait pas fait, d’abord, ses confidences à Billot ; ce fut dès lors Scheurer qui, sous le sceau du secret, pendant que Leblois se morfondait dans un salon d’attente, lui raconta l’histoire de Picquart[2] ; il conclut en demandant que Picquart fût mandé d’urgence à Paris. Méline objecta, avec raison, que seul le ministre de la Guerre pouvait rappeler un officier en mission ; or, Scheurer lui a fait promettre de ne pas nommer Picquart à Billot.

Scheurer, en s’en retournant avec Leblois, le conjura de passer par les exigences de Méline et d’aller chez Billot avec lui. Ils reviendront ensuite ensemble chez Méline et ne laisseront pas à l’État-Major le temps de poursuivre ses manœuvres.

L’avocat consentit, puis se ravisa, à la porte même du ministre de la Guerre : raconter à Billot une histoire qu’il connaît de reste, lui montrer les lettres de Gonse, ce serait « se jeter dans la gueule du loup », perdre Picquart. Malgré les prières les plus vives, il resta inébranlable.

Le pauvre Scheurer se rabattit de nouveau sur Mé-

  1. 3 novembre 1897.
  2. Ni Leblois, ni, par conséquent, Scheurer ne connaissaient le petit bleu. (Voir p. 521.) Leblois savait seulement qu’une « pièce interceptée avait mis Picquart sur la piste d’Esterhazy ». Il connut seulement le petit bleu par le rapport Ravary (Instr. Fabre, 120).