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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Pourtant, Méline s’obstine : « Saisissez le garde des Sceaux d’une requête. « Scheurer, en vain, lui montre les inconvénients de cette procédure : « Je vous apporte les moyens de faire justice vous-même, sans bruit, sans scandale superflu ; c’est vous-même qui me provoquez à la bataille ». Et il le conjure encore : « Donnez-moi la preuve, l’une de vos fameuses preuves que Dreyfus est coupable et je vais, en sortant de votre cabinet, confesser mon erreur sur la place publique ». Mais tout fut inutile[1].

Un peu plus tard[2], à l’issue du Conseil des ministres, Barthou, ministre de l’Intérieur, fit une communication verbale aux journalistes. Il déclara que Scheurer, en effet, s’était entretenu avec Méline et Billot de l’affaire Dreyfus, « mais qu’il ne leur avait communiqué aucune pièce » ; dès lors, « le gouvernement ne peut s’en tenir qu’au fait existant, c’est-à-dire au jugement qui a condamné l’ex-capitaine ».

Cette note contenait une grave inexactitude, puisque Scheurer avait apporté aux deux ministres l’écriture d’Esterhazy et offert à Méline les lettres de Gonse. Bien plus, selon certains journaux, Barthou aurait ajouté : « Et le gouvernement considère que ce jugement a été aussi régulièrement que justement rendu[3]. »

La Chambre, bien que nerveuse, attendait, comme on a vu, la parole du gouvernement. Seuls, les patriotes de profession s’agitaient. Déjà, deux d’entre eux, Mirman et Castelin, avaient écrit à Méline et à Billot qu’ils les questionneraient sur leurs rapports avec Scheurer. Méline les pria de n’en rien faire ; ils y consentirent,

  1. Mémoires de Scheurer.
  2. Le même jour, 6 novembre 1897.
  3. Patrie, Libre Parole, Gaulois, Intransigeant du 6 et du 7, etc. La version « tronquée » parut dans le Temps (antidaté) du 7.