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LA COLLUSION


copie, à Gonse qui les remit à Billot. Tous feignirent un grand scandale.

On fit photographier les originaux[1] et la Sûreté générale fut invitée à rechercher les mystérieux associés de Picquart. Ces deux dépêches avaient convaincu le directeur de la Sûreté, René Cavard, que Picquart était l’associé d’un abominable complot. Il le dit à Henry.

Mais Picquart, ayant compris que le coup venait des amis d’Esterhazy[2], adressa une plainte en règle à Billot et le pria d’ouvrir une enquête[3]. Il dit, nettement, « que la personnalité d’Esterhazy et ses accointances étaient trop connues du ministre » pour que celui-ci pût s’étonner de son refus « d’avoir avec lui aucun rapport d’aucune sorte ». S’il a demandé au colonel Abria des spécimens de l’écriture d’Esterhazy, c’est avec l’assentiment du ministre. « Il n’a jamais composé de dossiers clandestins ni pour lui-même, ni pour personne, Esterhazy n’a aucune qualité pour détenir une pièce d’un dossier « et peut être poursuivi de ce fait ». Enfin, il rattache les deux télégrammes à la lettre menaçante qu’il a reçue, au prin-

  1. Enq. Pellieux, 28 nov, Henry.
  2. Il reçut le télégramme Blanche le 11 novembre, à 8 heures et demie du matin, le télégramme Speranza (qui fut réexpédié de Tunis à Sousse, à cause de la fausse adresse), le 12 novembre et la lettre anonyme le 17. Ne pouvant, ce jour-là, porter la lettre anonyme au général Leclerc, il la déchira « pour ne pas rester un instant en possession d’une pièce qui aurait pu être extrêmement compromettante en cas de fouille ou de perquisition ». (Enq. Pellieux, 27 nov. ; etc.) — De même, quand il avait reçu la dépêche Blanche, il n’y avait rien compris et l’avait déchirée. Il comprit seulement quand il reçut la dépêche Speranza et demanda une nouvelle expédition de l’autre télégramme,
  3. Lettre du 15 novembre 1897. (Enq. Pellieux, 27 nov. 1897 ; Procès Zola, I, 291 ; Cass., I, 199 ; Rennes, I, 463, Picquart.)