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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


rente. Et, peut-être, quelque passant reconnaîtra un jour l’écriture du bordereau.

C’est ce qui arriva le 9 novembre. Des camelots vendaient les fac-similés sur le boulevard. Un banquier commissionnaire, Castro, en acheta un exemplaire. Il avait été en relations d’affaires avec Esterhazy. Du premier regard, il reconnut la caractéristique écriture[1]. Très ému[2], il procéda à des comparaisons avec les lettres qu’il avait dans ses dossiers. Et, lui aussi, il constata l’identité[3].

Il fit part de sa découverte à son beau-frère et à quelques amis. L’un d’eux avertit Mathieu, lui porta des lettres d’Esterhazy. Nul doute n’était possible. Mathieu éprouva une grande joie, puis une terrible angoisse : « Scheurer est-il sur la même piste ? » Il courut chez lui[4], raconta l’aventure, lui demanda si c’était le même nom. Scheurer s’interrogea : la parole qu’il a donnée à Leblois doit-elle l’empêcher de répondre ? Puis, il n’y put tenir : « C’est le même nom[5]. »

Leblois émit tout de suite l’avis que Mathieu lui-même dénonçât Esterhazy : il l’a découvert indépendamment

  1. Procès Zola, I, 123, Castro : « Lorsque, le matin, j’avais un courrier important à dépouiller, je reconnaissais l’écriture du commandant avant même d’avoir ouvert sa lettre. »
  2. Ibid., I, 115, Scheurer : « J’ai eu un éblouissement, m’a-t-il dit, »
  3. Ibid., I, 123, Castro.
  4. 11 novembre 1897.
  5. Mémoires de Scheurer ; Souvenirs de Mathieu Dreyfus. — Procès Esterhazy, 140, Mathieu Dreyfus ; 151, Scheurer ; Procès Zola, I, 115, Scheurer. — Castro, le lendemain, se rendit à son tour chez Scheurer, lui porta des lettres d’Esterhazy (Procès Esterhazy, 152.). L’un de ses amis avait prié l’avocat Émile Straus de m’informer. J’avisai Ranc. Demange, averti par Mathieu, se rendit au greffe, avec son secrétaire Collenot ; il y retrouva l’écriture d’Esterhazy dans le dossier de l’affaire Morès.