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LE BORDEREAU


une enveloppe », l’adresse des lettres étant écrite toujours d’une main plus posée. Gonse éluda la demande[1]. Gobert proposa alors de faire faire la photographie du bordereau, « pour procéder d’une façon plus complète à la vérification ». Gonse répondit : « Faire faire la photographie au ministère de la Guerre, non ! Demain, tout Paris connaîtrait le bordereau[2] ».

Cette réponse de Gonse n’était pas qu’injurieuse pour les employés du ministère, tenus par le secret professionnel ; elle était encore absurde. En effet, il y avait alors plus de huit jours que le bordereau avait été photographié au ministère de la Guerre, puisque, dès le jeudi 4 octobre, le général Renouard en avait fait remettre des épreuves aux chefs des bureaux de l’État-Major et des différents services.

Gobert demanda à Gonse de faire faire la photographie qui lui était indispensable, à la préfecture de police, par Alphonse Bertillon, chef du service de l’identité judiciaire et l’un des fils de l’ingénieux inventeur de la méthode anthropométrique[3]. Cela fut accepté. C’est Gobert qui fit ainsi entrer Bertillon dans l’affaire.

Le soir même, le ministère de la Guerre réclamait, en effet, « le concours de Bertillon pour faire des reproductions et, notamment, des agrandissements[4] ».

Mercier avait également mandé Cochefert, commissaire aux délégations. Et, tout de suite, il lui nomma Dreyfus, lui donnant l’impression que la culpabilité du capitaine était avérée[5].

Il lui demanda quelques conseils « au point de vue

  1. Rennes, II, 301, Gobert. — L’expert suppose que Gonse le soupçonna de vouloir connaître le nom du destinataire.
  2. Ibid.
  3. Rennes, III, 178, Sébert.
  4. Rennes, II, 302, Gobert.
  5. Rennes, I, 582, Cochefert.