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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Cependant, il insista sur l’épisode du revolver que Dreyfus avait repoussé[1]. Il avait été frappé de l’incident ; il le dit à Mercier, puis à Boisdeffre. Il était étonné aussi de l’échec de la perquisition qui avait suivi immédiatement l’arrestation inopinée de Dreyfus.

Le soir, au ministère, tous ceux qui étaient au courant entourèrent Du Paty. Il raconta, comme il lui plut, la fausse épreuve, affirmant qu’elle était probante, que tout, dans l’attitude de Dreyfus, décelait un coupable, mais se garda bien de montrer la lettre écrite par l’inculpé. Il put dire ainsi qu’aux premiers mots le juif avait pâli, que sa main tremblait, que sa plume décrivait des sinuosités, qu’il l’avait jetée tout à coup ou laissé tomber. Mais ses réponses à d’autres questions, quelles que fussent son arrogance et sa force de mensonge, ne décelaient pas moins la défaite : « A-t-il avoué ? — Ses protestations sonnaient faux. — Et chez lui ? — Il avait tout déménagé, il n’y avait plus rien[2] ! »

Dreyfus se tordait dans sa cellule ; mais l’accusation n’avait pas avancé d’un pas.

    d’un faux, il n’y avait pas eu de longue enquête et il n’existait aucun papier où le nom de Dreyfus était prononcé par un agent étranger. — Cochefert ajoute que, s’il avait connu l’écriture d’Esterhazy, il n’aurait pas manqué d’appeler l’attention du ministre sur la similitude entre cette écriture et celle du bordereau. « Je l’aurais peut-être retenu dans son premier élan. » Il insiste que, par la suite, son sentiment sur la scène de la dictée « s’est sensiblement modifié ».

  1. Rennes, III, 521, Cochefert.
  2. Cass., I, 127 ; Rennes, I, 377, Picquart.