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L’ENQUÊTE


Et Sandherr, Gonse, Boisdeffre, Mercier, savent, eux aussi, la vérité, et se taisent.

Henry, ayant ainsi tâté le terrain, conclut qu’il peut marcher sans crainte. Contre Dreyfus, les chefs seront ses complices.

V

Ce faux d’Henry et une dénonciation de Bertin-Mourot, c’est tout le renfort qu’a reçu l’accusation. Bertin avait appris avec joie l’arrestation de Dreyfus ; il s’empressa de porter à Du Paty une note d’une grossière perfidie :

Le journal de mobilisation de la Commission de l’Est a particulièrement attiré le capitaine Dreyfus. L’intérêt qu’il semblait y prendre a contrasté singulièrement avec la nonchalance extrême de sa collaboration aux autres travaux de la Commission… Laissé systématiquement à l’écart, il s’institua tout à coup l’éducateur d’un nouveau venu, le capitaine Boullenger, et, prenant comme thème le journal de mobilisation, démontra qu’il connaissait parfaitement les points de débarquement et les lignes de transport de chaque corps d’armée… Le capitaine Boullenger fut très frappé de la connaissance approfondie qu’il étalait par vantardise ou comme exercice de mémoire… La mauvaise impression qu’il laissa au 4e bureau lui en ferma ensuite les portes[1].

En d’autres termes, Dreyfus a dû vendre à l’Allemagne le plan de mobilisation pour la région de l’Est.

À l’exemple de Bertin, d’autres officiers de l’État-Major portèrent à Du Paty de bas racontars. Dreyfus

  1. Note du 17 octobre 1894. (Cass., II, 288.)
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