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LA « LIBRE PAROLE »


replaçait, mystérieusement, dans leurs cartons[1] ».

Il était donc le grand maître de l’État-Major ? Les trois millions de lecteurs du Petit Journal savent, par Judet, que « le grade de Dreyfus, son poste, les affaires d’une importance capitale dont il était chargé, les pièces, les dossiers dont il avait la clef, lui donnaient le moyen de servir utilement l’ennemi, de faire à la France un mal irréparable[2] ». « Si la guerre eût éclaté, il fût resté l’homme de confiance du ministère, envoyant ses frères d’armes à la mort, dans des embûches préparées par ses soins[3] ».

On a saisi ses lettres au colonel de Schwarzkoppen[4]. Juif errant de l’espionnage, on l’a vu partout, poursuivant son œuvre, à Monaco, à Rome, à Bruxelles à Pétersbourg, dans toutes les villes frontières comme dans toutes les capitales de l’Europe.

Il n’a pas vendu que la mobilisation, mais encore l’horaire, c’est-à-dire la marche des trains de mobilisation et de concentration, notamment sur la ligne de l’Est[5]. Pour refaire l’horaire, il faudra trois ans.

C’est l’accusation portée par Bertin-Mourot contre Dreyfus. L’information relative à la défense des Alpes vient de quelqu’un qui a eu connaissance de la pièce, Canaille de D…, évidemment d’Henry.

Enfin, dans sa rage de trahison, il n’avait pas livré seulement les plans, mais aussi les hommes, les officiers envoyés en mission secrète, à l’étranger, par le ministre

  1. Intransigeant du 4 novembre.
  2. Petit Journal du 2.
  3. Pèlerin du 10.
  4. Patrie du 9.
  5. Intransigeant du 7, Radical du 16, Écho de Paris du 17, presque tous les journaux.


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