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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Au surplus, aigri par les déceptions, envieux, plein de haine pour ses chefs et pour la France. Alsacien, Allemand ! C’est le premier coup de poignard dans le cœur de l’Alsace. Et, six ans durant, les patriotes de profession vont retourner le poignard dans la plaie, « Il est entré dans l’armée avec le dessein prémédité de la trahir[1]. » « À peine relâché, il ira prendre un commandement dans l’armée allemande[2]. » « Il déteste les Français en tant que juif et Allemand… Allemand de goût et d’éducation, juif de race, il a fait œuvre d’Allemand et de juif, pas autre chose[3]. »

Ailleurs : « Ceux qui l’ont approché de près l’ont souvent entendu exprimer son antipathie pour notre armée. Il n’avait d’admiration que pour l’armée allemande. Il répétait volontiers que l’on devrait traiter, en France, les soldats comme on les traite au delà du Rhin, à coups de pied, à coups de poing. » Ce sont là quelques traits principaux du portrait d’Esterhazy. On dirait qu’Henry, par gageure, s’est amusé à décrire Dreyfus sous les traits de son ami[4].

Le crime est si avéré qu’on discute déjà du châtiment ; il n’est plus question que de choisir, entre divers supplices, celui auquel on va livrer le traître. « Qu’on le fusille[5] ! » crie le général Riu ; c’est aussi l’avis de Cluseret, l’ancien ministre de la Commune. Millevoye clame : « Il faut qu’il meure[6] ! » Bec, dit Bonamour : « Qu’on le fusille et qu’on se taise[7] ! »

Quand les juristes révèlent que la loi tient la trahison

  1. Libre Parole du 14 novembre.
  2. Intransigeant du 8.
  3. Libre Parole du 14.
  4. Voir les lettres à Mme de Boulancy.
  5. Libre Parole du 2 novembre.
  6. Patrie du 8.
  7. Cocarde du 10.