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LA CAPITULATION DE MERCIER


de la galanterie. Il affirmait que Dreyfus avait été leur amant, et de plusieurs autres ; cela n’était vrai que d’une seule, femme mariée et riche ; et quand il aurait eu des maîtresses ? quelle nouveauté dans l’armée française ! Cependant Du Paty en a fait déjà un sujet de scandale dans son rapport à Mercier.

Guénée, bien dirigé, s’est surtout appliqué à établir que Dreyfus, qui n’a jamais joué dans aucun cercle, est un habitué de tous les tripots[1]. Le nom de Dreyfus est fréquent chez les juifs originaires d’Alsace ou de Trèves. Plusieurs homonymes de Dreyfus, un ancien député, des hommes du monde, étaient des joueurs notoires. Guénée ramassa, dans les cafés et sur le boulevard, les bruits, faux ou vrais, qui couraient sur ces personnes.

Il avoue lui-même ne les avoir pas contrôlés dans les établissements de jeu[2], et que « ces renseignements pouvaient se rapporter aussi bien à tout autre. Mais, comme seul Dreyfus était inculpé, tout retombait sur lui ; c’était la tête de turc[3]. »

Guénée exposa longuement[4] que Dreyfus était un habitué d’au moins quatre tripots, si mal famés que deux d’entre eux furent fermés par autorité de justice, qu’il était lié avec les usuriers qui les tenaient, que, du Washington Club, « où il n’avait plus de crédit », il passa au Betting Club, « où il se fit grecquer et escroquer », qu’il fit ainsi son éducation, que sa façon de jouer, au cercle de l’Escrime, éveilla les soupçons,

  1. Rapports des 4 et 19 novembre. (Cass., II, 289 et suiv.)
  2. Cass., I, 726, Guénée : « C’est un bruit qui courait parmi les habitués des tripots qui fréquentent les cafés des boulevards et les boulevards. — Avez-vous pu vérifier vous-même si Dreyfus fréquentait ces établissements ? — Non, monsieur. »
  3. Ibid.
  4. Rapport du 4 novembre. (Cass., II, 295.)