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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


l’examen, mais explicable. Une solidarité est inhérente, surtout dans une nation simpliste et généralisatrice, à tout grand corps constitué ; un sentiment naturel veut que tout de l’objet aimé soit digne d’affection et de respect.

Dans cette séance, cette erreur fut la mienne. Quand je me levai de mon banc pour opposer mon démenti à certaines assertions de Grousset, je qualifiai l’article de journal dont il s’était servi contre Galliffet « d’insulte à l’armée ». Un fou, qui avait souvent du bon sens, le comte de Douville-Maillefeu, m’interrompit : « Non, une accusation contre un général. »

Ce fol était dans le vrai.

V

Quelque applaudie qu’eût été sa dernière intervention à la tribune, Mercier ne pouvait se consoler de l’hostilité déclarée des partis violents. Rochefort, surtout, et Drumont ne se lassaient pas de le cribler de sarcasmes. Ils s’étaient constitués les défenseurs de Turpin. Tous deux poursuivaient Galliffet de leur haine. Mercier, pour avoir glorifié Galliffet et méconnu Turpin, était devenu leur bête noire[1].

  1. Au hasard, je cite quelques injures de l’Intransigeant : « Barboteur, renifleur, idiot, celui qui détient au ministère le record du ramollisme, Ramollot… Explique-toi, Mercier, afin que nous sachions enfin jusqu’où peut aller l’imbécillité humaine ! … Hémiplégique, relégateur, Escobar, vieille culotte de peau, général en carton peint, l’Étoilé de la rue Saint-Dominique, Flair d’artilleur. » Dans une lettre du 4 juin 1894 à Turpin, Drumont écrit : « Mercier n’ignore pas que la scandaleuse protection accordée si longtemps à un homme qu’on connaissait pour être