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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


s’échangeaient dans les casernes et dans les réunions d’officiers. Le jour viendra où un publiciste, connu pour sa passion militaire, écrira dans un article retentissant : « J’en appelle à tous les hommes de bonne foi ; quand l’infortuné maréchal Lebœuf était au pouvoir, jamais au monde généraux et colonels ont-ils dit sur son compte ce qui se dit aujourd’hui du général Mercier[1]? »

Mercier comprit que ses jours étaient comptés, qu’il serait sacrifié à la première occasion.

C’est alors qu’arriva au ministère de la Guerre une lettre anonyme, mais qui ne pouvait émaner que d’un officier français, et qui avait été dérobée à l’ambassade d’Allemagne.

VIII

Ce morceau de papier, ce sera le salut. Mais Mercier ne vit d’abord dans cette preuve indéniable d’une trahison mystérieuse qu’une cause nouvelle d’embarras et d’ennuis.

Dès son arrivée au ministère, il avait été prévenu par le colonel Sandherr, chef du bureau des renseignements, que le colonel de Schwarzkoppen avait pris lui-même, à l’ambassade d’Allemagne, la direction du service d’espionnage. Panizzardi, l’attaché militaire italien, travaillait avec son collègue allemand. Deux autres bureaux fonctionnaient à Strasbourg et à Bruxelles[2].

La misère du service d’espionnage avait été violemment reprochée aux états-majors de l’Empire, après la

  1. Saint-Genest, Figaro du 22 novembre 1894.
  2. Rennes, I, 76, Mercier. Il y en avait également en Suisse.