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d’une étroite intimité avec Lauth et l’archiviste Gribelin[1].

Brücker, blâmé pour ses bavardages, humilié dans son amour-propre, ayant perdu dans l’aventure Millescamp une partie de son casuel, était mécontent. Les bonnes affaires étaient celles de « la maison au grand jardin », Il se plaignait au sous-chef du bureau, le lieutenant-colonel Cordier[2], de son rôle diminué, rôdait, sous des déguisements, autour de l’ambassade, cherchait à rentrer en grâce par un coup d’éclat.

Il était resté l’ami de la ramasseuse qui continuait son métier, rassurée maintenant et toujours insoupçonnée ; elle remplaçait parfois dans sa loge la concierge de l’ambassade, une femme Pessen, d’origine anglaise, qui avait épousé un sous-officier prussien à la retraite. Des domestiques du comte de Munster avaient été achetés, ainsi que le concierge d’une maison située en face de l’ambassade, où les attachés civils et militaires avaient un pied-à-terre. Le service des renseignements avait loué l’appartement au-dessus du leur[3]. Et, là encore, on volait et on ramassait des papiers.

Enfin, tout un monde bizarre d’espions occasionnels, joueurs décavés, femmes déclassées, dérobait des lettres, recueillait des bruits, propos de salon ou d’antichambre, d’alcôve ou de cuisine, que le service payait très cher, crédule et souvent mystifié[4]. Parmi ces informateurs, le plus prisé était un ancien attaché militaire d’Espagne, le marquis de Val-Carlos, « d’une belle situation mon-

  1. Rennes, II, 521, Cordier.
  2. Ibid., 501.
  3. Rennes, I, 553, Gonse.
  4. Rennes, I, 53, Delaroche-Vernet ; I, 369, Picquart ; Cass., II, 336, etc.