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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


encore, ou se sont faits les complices de la fraude, en supprimant des propos qu’ils ont entendus toute allusion à Du Paty, ou, dans la confusion rapide de la scène, ont compris que Dreyfus était entré dans la voie des aveux, et que, démasqué, il ne s’accusait, par un dernier mensonge, que d’amorçage. Mais Lebrun-Renaud lui-même n’a pas pris pour des aveux les propos qu’il a entendus, ni ceux qu’il relate[1]. Il a surtout été frappé des protestations du condamné et de ce délai de trois ans au bout duquel l’erreur sera reconnue.

Cette conversation de Lebrun-Renaud avec le colonel Guérin et d’autres officiers dura à peine cinq minutes[2]. La parade commençait. Chacun gagna son poste.

    importants, ajoutant qu’il était innocent du crime odieux pour lequel il allait être dégradé, mais que, dans trois ans, son innocence serait reconnue. »

  1. Cass., I, 277 : « On peut très bien ne pas considérer la déclaration de Dreyfus comme des aveux ; si on m’a parlé d’aveux, j’ai pu dire qu’il ne m’en avait pas été fait. J’ai considéré que c’étaient plutôt des excuses que présentait Dreyfus. » — Le lendemain de la dégradation, 6 janvier, Lebrun-Renaud dit à un ancien fonctionnaire que « Dreyfus ne lui avait fait aucun aveu » (Cass., 381, Bayol). Même dénégation, un an après, à un magistrat, le juge De Valles (Cass., I, 382). Dans le courant de l’été 1897, il dit à Forzinetti, très catégoriquement et sans hésitation : « Jamais le capitaine Dreyfus ne m’a fait aucun aveu. » (Cass., I, 323, Forzinetti.) Même déclaration au comte de Kératry. (Ibid.) Le 9 février 1898, il dit encore, à un dîner chez l’abbé Valadieu, aumônier de l’hôpital Cochin : « Ah ! cette canaille de Dreyfus qui n’a jamais cessé de parler de son innocence ! » (Cass., I, 387, Hepp.) Même déclaration de Mme Chapelon (Aurore du 20 janvier 1898).
  2. Rennes, III, 74, Lebrun-Renaud : « À 9 heures moins cinq, quatre artilleurs viennent chercher Dreyfus. Ma mission était terminée ; c’est alors que je sortis de la salle et que je rencontrai le colonel Guérin. Je lui répétai… » Guérin confirme cette indication : « À 9 heures moins cinq… » (Cass., I, 279) et dépose : « Le premier coup de 9 heures sonna : je quittai les officiers qui m’entouraient et entouraient Lebrun-Renaud ; j’allai me poster à la droite des troupes. » Rennes, III, 89.)