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APPENDICE

Mercier prétend n’avoir donné qu’alors l’ordre d’incarcérer Dreyfus. Or, l’ordre d’écrou avait été signé, la veille, par lui-même, en même temps que l’ordre de perquisition. Henry et Du Paty en étaient munis depuis la veille.

Il est possible toutefois qu’au cours de l’interrogatoire de Dreyfus, Henry soit allé rendre compte des incidents à Mercier. Sandherr et Cordier furent, en effet, tenus au courant, « deux ou trois fois, pendant la séance, de ce qui se passait[1] »

V

l’enquête de du paty

Du Paty, dans son rapport du 31 octobre, raconte ainsi l’interrogatoire de Dreyfus, dans la séance du 29 octobre, au Cherche-Midi :

« Quand, enfin, je lui ai montré le document dans son entier, il a nié tout d’abord que l’écriture ressemblât à la sienne. Je lui dictai alors la lettre, et bien qu’il eût, dans cette copie, altéré son écriture habituelle, il fut bien forcé de se rendre à l’évidence, de convenir que les deux écritures avaient des caractères communs absolument frappants, et que cela justifiait dans une certaine mesure, à ses yeux, les soupçons dont il était l’objet. Alors, il s’est dit victime d’une fatalité, d’une ressemblance d’écriture inexplicable, d’une machination. Il a même dit : « On m’a volé mon écriture. »

Or, le procès-verbal, signé de Du Paty, de Gribelin et de Dreyfus, ne porte que la protestation formelle de l’accusé : « On n’a même pas cherché à imiter mon écriture. » L’autre phrase : « On m’a volé mon écriture », est antérieure de cinq jours, ainsi qu’il résulte des interrogatoires mêmes de Du Paty et D’Ormescheville. Dreyfus, à cette

  1. Rennes, II, 523, Cordier.