Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/14

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son manoir les visiteurs importuns et les insipides rimeurs, s’était écrié :


« Mais si Joubert, ami fidèle
« Que depuis trente ans je chéris,
« Des cœurs vrais le plus vrai modèle,
« Vers mes champs accourt de Paris,
« Qu’on ouvre ! j’aime sa présence ;
« De la paix et de l’espérance
« Il a toujours les yeux sereins…
« Que de fois sa douce éloquence
« Apaisa mes plus noirs chagrins ! »


Là ne se bornaient pas les amitiés illustres que M. Joubert comptait dans la vie. Autour de lui se pressaient une foule d’écrivains ou d’hommes de goût qui venaient puiser dans sa parole féconde des inspirations ou des conseils. Les femmes les plus distinguées de son temps entretenaient avec lui un commerce que n’interrompaient ni ses longs séjours en province, ni les langueurs d’une santé défaillante. On ne rencontre pas un esprit de cette portée sans lui supposer la force de produire un beau livre, ce témoignage suprême de l’humaine puissance. Ceux qui connaissaient M. Joubert prévoyaient donc et voulaient pour lui l’avenir littéraire auquel, pour sa part, il ne paraissait pas songer. M. de Fontanes lui écrivait en 1803 :

« Vous êtes dans la solitude, mon bon ami ; rien ne vous distrait. Je vous exhorte à écrire tous les soirs, en rentrant, les méditations de votre journée. Vous choisirez, au bout de quelque temps, dans ces fantaisies de votre pensée, et vous serez surpris d’avoir fait, presque à votre insu, un fort bel ouvrage. Profitez de mon conseil ; ce travail ne sera pas pénible et sera