Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/154

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il n’appartient qu’à la tête de réfléchir ; mais tout le corps a de la mémoire. Les pieds d’un danseur, les doigts d’un musicien habile, ont, dans un degré éminent, la faculté de se ressouvenir.

La voix est un son humain que rien d’inanimé ne saurait parfaitement contrefaire. Elle a une autorité et une propriété d’insinuation qui manquent à l’écriture. Ce n’est pas seulement de l’air, c’est de l’air modulé par nous, imprégné de notre chaleur, et comme enveloppé par la vapeur de notre atmosphère, dont quelque émanation l’accompagne, et qui lui donne une certaine configuration et de certaines vertus propres à agir sur l’esprit. La parole n’est que la pensée incorporée.

L’homme, en famille, est doué de la faculté d’inventer un langage, comme le castor de celle de bâtir, là où il trouve de l’eau et des arbres. Le besoin de parler n’est pas moins inhérent à l’un que le besoin de bâtir à l’autre.