Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/163

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Quelquefois une faculté de l’esprit parle à l’autre et en est entendue, comme la bouche parle à l’ouïe, quand on est seul. C’est ce que savent bien les écoliers qui étudient à haute voix ce qu’ils veulent apprendre, afin que la leçon entre par deux portes dans leur mémoire.

Notre esprit a plus de pensées que notre mémoire ne peut en retenir ; il porte plus de jugements qu’il ne saurait alléguer de motifs ; il voit plus loin qu’il ne peut atteindre, et sait plus de vérités qu’il n’en peut expliquer. Une bonne partie de lui-même serait fort utilement employée à chercher les raisons qui l’ont déterminé, à se constater les aperçus qui l’ont frappé et qui l’ont fui. Il y a pour l’âme une foule d’éclairs, auxquels elle prend peu de part ; ils la traversent et l’illuminent avec tant de rapidité qu’elle en perd le souvenir. On serait étonné du nombre de choses qu’elle se trouverait avoir vues, si, en remontant à tout ce qui s’est passé en elle, on en faisait l’observation, au moins de mémoire, et en approfondissant toutes les circonstances. Nous ne nous fouillons