Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/218

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et peut garder cet équilibre que nous appelons la raison, ou que notre raison est formée ; quand nos rectitudes morales ont insensiblement acquis cette indestructibilité qu’on nomme le caractère, ou que le caractère en son germe a reçu tous ses accroissements ; enfin, quand le secret principe d’aucune dépravation ne pouvant plus s’introduire en nous que par notre volonté, et nous blesser qu’à notre su, notre défense est en nous-mêmes : alors l’homme est achevé, le voile tombe et le réseau se désourdit.

Même alors, cependant, la pudeur imprime en nous ses vestiges et nous laisse son égide.

Nous en perdons le mécanisme, mais nous en gardons la vertu. Il nous reste une dernière ombre du réseau : je veux dire cette rougeur qui nous parcourt et nous revêt, comme pour effacer la tache que veut nous imprimer l’affront, ou pour s’opposer au plaisir excessif et inattendu que peut nous causer la louange.

Elle nous lègue encore de plus précieux fruits : un goût pur dont rien n’émoussa les premières délicatesses ; une imagination claire dont rien n’altéra le poli ; un esprit agile et