Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’homme assez de feu, d’esprit et de mémoire pour converser avec le ciel et avec les âmes simples et bonnes : cela suffit ; tout le reste est un superflu qui ne sert que pour les affaires, pour les plaisirs et pour les honneurs.

Or, quelles affaires a-t-on, de quels honneurs, de quels plaisirs a-t-on besoin, quand on n’a rien de nécessaire à demander à la fortune, quand on est sage et qu’on est vieux ? La vieillesse, voisine de l’éternité, est une espèce de sacerdoce, et, quand elle est sans passions, elle nous consacre. Elle semble donc autorisée à opiner sur la religion, mais avec défiance, avec crainte. Si l’on n’a plus alors de passions, on en a eu, et l’on en conserve les habitudes ; si l’on est voisin de Dieu, on a gardé les impressions de la terre ; enfin, on s’est longtemps trompé, et il faut craindre de se tromper encore, et surtout de tromper les autres.

Le résidu de la sagesse humaine, épuré par la vieillesse, est peut-être ce que nous avons de meilleur.