Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/328

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recommandé, dépouille la pensée de sa pâte et de ses couleurs, pour n’en représenter que les plus secs linéaments. C’est l’art du névrologue ou du géomètre. L’âme ne se borne pas là : elle se peint tout et le peint ; l’esprit pur n’est qu’un de ses aides.

Quand, isolant sa faculté rationatrice de toutes ses autres facultés, on parvient à rendre abstrait, aux yeux de son esprit, ce qu’il y a de plus réel et même de plus solide dans le monde, et pour les sens et pour le cœur, tout est douteux, tout devient problématique, et tout peut être contesté. Que parle-t-on d’ordre, de beauté ? Il n’y a, pour la faculté rationatrice

isolée, que des non ou des oui, des absences ou des existences, des unités ou des nullités.

On a beau dire, les métaphores ne sont pas moins nécessaires à la métaphysique que les abstractions. Ayez donc recours à l’abstraction, quand la métaphore vous manque, et à la métaphore, quand l’abstraction est en défaut.

Saisissez l’évidence, et montrez-la comme