Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/39

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saires l’un à l’autre. M. Joubert le comprit le premier ; il jugea que, tôt ou tard, leur sotr devait s’unir, et i-oupant court, comme il convenait entre gens d’un âge mûr, aux lenteurs d’une recherche vulgaire, il offrit sa main, avec un si ferme propos de s’opiniàtrcr qu’on n’eut garde de la refuser. Ce fut le 8 juin 1793, terrible époque, où l’incertitude du lendemain donnait hâte à chacun de mener à terme les résolutions du jour, que leur mariage fut célébré à Paris. Ils s’y étaient rendus de part et d’autre, pour éviter l’éclat incommode qui, dans les petites villes, s’attache d’ordinaire aux événements de cette nature ; mais leur séjour y fut de courte durée. Par une exception rare en ces temps désastreux, Villeneuve avait échappé aux passions qui remplissaient nos villes de troubles et de dangers. Il y avait tant de douceur dans les mœurs de ses habitants, tant de calme et de fraîcheur dans son riant paysage, qu’on eût dit une oasis de verdure et de paix, ouverte à la sérénité du philosophe. M. Joubert courut s’y enfermer avec sa compagne.

À peine se vit-il maître d’une situation qui assurait son repos, que, malgré les grands bruits qui grondaient autour de sa retraite, il se remit à la poursuite de la vérité et du beau, passion et rêve de sa vie. Pour les découvrir, ne fût-ce, comme il le dit quelque part, « qu’en parcelles « menues ou en légères étincelles », il ne craignait pas d’entreprendre les plus longues et souvent les plus arides lectures. Elles étaient pour lui un moyen d’arriver plutôt que de jouir, un chemin plutôt qu’un but. C’est ainsi qu’on le retrouve, à diverses époques, s’épuisant en d’immenses travaux pour recueillir un peu d’or dans les nombreux