Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/420

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Le style pathétique, élevé, harmonieux, et propre à l’éloquence de la tribune, était aussi facile à un grec ou à un romain, que le style spirituel et poli, vif et court, badin et flatteur, est facile à un français. Le génie de la vie intérieure et sociale domine parmi nous, comme celui de la vie publique dominait chez les anciens. Ils étaient instruits, dès l’enfance, et exercés, dès la jeunesse, à parler à la multitude ; nous le sommes à parler aux individus.

Ils avaient un langage abondant en figures et en paroles solennelles ; le nôtre abonde en mots à double face et en tournures ingénieuses.

Il leur était aisé de faire longuement des discours graves et touchants, comme il nous l’est de dire longtemps des choses agréables.

Les lettres de Cicéron sont extrêmement courtes, et il s’y trouve très-peu d’agréments.

Ses oraisons, au contraire, en offrent une source inépuisable ; son esprit s’y montre toujours varié, fécond, et semble n’être jamais las. Il eût été aussi difficile à Cicéron d’écrire une lettre comme Voltaire, qu’à Voltaire de faire un discours comme Cicéron. Il aurait même fallu de grands efforts à un romain,