Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/53

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H fallait chercher les occasions et les saisir. Or, pour M. Joubert, les occasions devenaient d’autant plus rares qu’il était curieux de livres peu répandus et délicat dans le choix des éditions. Tel volume avait été par lui vivement disputé ’a la chaleur des enchères ; tel autre, obstiné à ne se point montrer, s’était laissé chercher durant des mois entiers. Celui-ci provenait de quelque collection célèbre, celui-là avait appartenu à quelque homme fameux. À l’origine de chacun enfin se rattachaient des souvenirs de bonne fortune ou de labeur qui n’étaient pas sans charme. Il les aimait et du plaisir qu’ils lui causaient et de la peine qu’ils lui avaient coûtée.—C’étaient d’ailleurs des serviteurs fidèles dont il n’invoquait jamais en vain l’assistance, de vieux amis qui, après avoir réjoui son âge mûr, étaient prêts à consoler sa vieillesse. Ils méritaient bien l’échange de quelques bons procédés.

Mais reprenons le récit de sa liaison avec M. de Chateaubriand, un moment interrompu par des détails d’intérieur et des souvenirs personnels que je n’ai pu écarter. M. Joubert confondit bientôt, dans une communauté d’affections, les deux écrivains que l’exil avait rapprochés, et que ne devait pas séparer plus tard la différence des opinions et des fortunes. À compter du jour où il connut M. de Chateaubriand, il y eut dans son existence un grand intérêt, une grande amitié de plus. C’était, je le remarque en passant, un singulier jeu du sort que cette rencontre, dans une intimité presque fraternelle de trois hommes qui, par des goûts et un génie divers, semblaient résumer, à la limite des deux siècles, les doctrines littéraires prêtes à. se disputer l’empire. Pendant que, sous la main sans défiance de M. deFontanes,