Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/55

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secs deviennent plus précieux à recueillir, à proportion qu’ils se montrent plus rares Mais comment raconter les détails d’une intimité que la mort a brisée ? Heureusement aux témoignages répandus dans les œuvres de notre grand écrivain, il m’est permis d’en joindre un autre qui n’est pas, ce me semble, moins digne de survivre.

M. de Chateaubriand, se rendant à Rome, à une époque où il n’avait point encore visité M. Joubert d ;ins sa retraite de Villeneuve, lui écrivait de Lyon une lettre pleine de détails sur la partie de la route déjà parcourue « J’avais calculéqu’il ferait jour », lui disait-il, «lorsque " nous arriverions à Villeneuvc-sur-Yonne. Mon cher « Joubert, quelle fatalité I Je m’endors et ne me réveille « qu’à la porte de la ville. Il fait grand jour ; je demande « où est Villeneuve ; je regarde derrière moi, et je vois « une jolie petite église ; je descends et j’y cours. Je « cherche à découvrir votre rue ; madame de Bcaumont « me l’avait décrite : une petite rue en descendant à « droite. Je crois que je l’ai vue ; mais je n’en suis pas « bien sûr ; il n’est que quatre heures : le moyen d’éveiller mademoiselle Piat ! Je balance un moment, mais « enfin je renonce à ce pèlerinage. Qui m’aurait dit que, ’e dans cette petite ville, demeurerait un homme que j’aimerais tendrement, un homme rare dont le cœur est de « l’or, qui a autant d’esprit que les plus spirituels, et « qui a par-ci par-là du génie ? Mon cher ami, je vous le « dis les larmes aux yeux, parce que je suis loin de vous : « il n’y a point d’homme d’un commerce plus sur, plus « doux et plus piquant que le vôtre, d’homme avec lequel « j’aimasse mieux passer ma vie. Après cela, rengorgez