Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/65

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dienne de sa saute, madame Joubert etail souvent forcee de lui commander le silence, ou de défendre les approches de son appartement contre l’accès empressé de ses amis. Mais il s’offrait toujours quelque occasion, quelque prétexte d’échapper à cette surveillance. Les abattements revenaient alors, les douleurs de poitrine, les crachements de sang, et c’était à Villeneuve qu’il fallait aller chercher un peu de solitude et de repos. À Villeneuve pourtant d’autres travaux, d’autres soins attendaient M. Joubert. Un doux et perpétuel enthousiasme, cette ardeur sublime et cachée qu’il attribuait à quelques écrivains et dont il était plus qu’eux dominé, continuait de brûler en son âme ; le feu couvert succédait a la flamme ; la méditation remplaçait les causeries, et je ne sais si sa santé s’en trouvait beaucoup mieux. Il avait d’ailleurs à entretenir avec ses nombreux amis une correspondance qui devenait l’occasion de nouvelles fatigues, car sa plume, difficile à elle-même, manquait un peu de volubilité. Puis les jeunes ecclésiastiques du voisinage, attirés par l’hospitalité de la famille, venaient emprunter les livres d’une petite bibliothèque formée à leur intention, et aux livres il ne refusait guère de joindre le riche tribut de sa parole et de ses conseils. Puis enfin, quand il prolongeait trop sou séjour en Bourgogne, « la petite « rue en descendant à droite » voyait arriver de Paris d’illustres visiteurs qui l’illuminaient tout à coup d’un eclat inaccoutumé. On n’échappe pas à sa déstinée ; la sienne était de répandre la lumière, de se consumer en eclairant, et, quoi que fît madame Joubert, le flambeau ne s’éteignait pas. Ainsi s’écoulait cette précieuse vie, partagée entre Pa