Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/75

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une chaîne invisible : même amour pour leur mère, amour religieux qui, en dominant leur vie, épurait toutes leurs pensées ; même chasteté dans les propos et dans les mœurs ; même simplicité dans les goûts ; même tempérance dans les vœux ; prédilection égale pour les plaisirs de la famille ; égale fidélité dans les aiïections ; je ne sais enfin quelle disposition heureuse, au contact de tout m qui est beau dans la nature ou parmi les hommes, à Pi> remplir de joies douces, intimes et longues. Cette fraternité des âmes ne se laissait pas toujours, il est vrai. deviner à la surface ; mais qu’importe, si, sous la diversité des formes, se déguisaient des impressions communes, si, comme il arrive dans nos accords, quelques dissonances heureuses amenaient, dans l’intimité des deux frères, plus de charme et d’harmonie’/

D’autres liens les unissaient d’ailleurs. Non-seulement M. Joubert entourait la compagne de son frère d’un attachement tout paternel ; mais il reportait bientôt sur leurs enfants, sur ses jeunes nièces, le besoin d’affections tendres que son fils ne savait pas satisfaire. Il se plaisait à guider leurs travaux ; il savait égayer leurs entretiens, et, se faisant enfant avec elles, se mêlait volontiers à. leurs jeux. Le penseur y trouvait son compte, it est vrai ; car si, pour les esprits vulgaires, la vie se compose d’une trame unique, où les faits s’enchaînent et se succèdent, sans laisser derrière eux autre chose que le stérile souvenir de leur passage, pour les esprits distingués, elle se divise en deux parts : l’une extérieure et agissante, l’autre intime et réfléchie, où les faits viennent se déposer et germent en pensées fécondes. Ainsi la candeur de deux jeunes filles, tonnes par la sollicitude