Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/86

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seule survivre à l’analyse. En un mot, après m’t-tre placé, autant qu’il dépendait de ma faiblesse, au point de vue qui avait été le sien, j’agissais comme il me semblait qu’il eût agi si, la patience succédant à la fécondité, il eût employé quelques dernières années à coordonner les matériaux amassés pendant le reste de sa vie.

Et ce n’était pas seulement aux livrets communiqués à M. de Chateaubriand que je demandais de révéler M. Joubert tout entier. J’avais entre les mains ces cartons pleins d’ébauches que, depuis sa mort, on n’avait point ouverts, et dont il suffisait, en quelque sorte, de secouer la poussière, pour en faire sortir des chefsd’œuvre. C’est là que j’ai trouvé, outre une foule d’aperçus nouveaux, presque tous les morceaux de quelque étendue qui figurent dans le recueil, séparément ou mêlés aux pensées. Toutefois j’y ai vainement cherché la trace d’articles anonymes insérés dans les journaux du temps. J’ai lieu de penser qu’il n’en a point écrit ; ot mon opinion se fonde non seulement sur le témoignage d’un homme qui l’avait vu arriver à Paris, et qui n’a pas cessé, jusqu’à la fin, d’entretenir avec lui d’étroites relations, M. le chevalier de Langeac, mais sur la nature même de son esprit et de son talent. « Le ciel », disaitil, « n’a mis dans mon intelligence que des rayons, et « ne m’a donné pour éloquence que de beaux mots. Je « suis, comme Montaigne, impropre au discours continu. » 11 avait contracté, en effet, une telle habitude de procéder par pensées isolées, par couplets, pour ainsi dire, qu’il n’a même jamais réuni en une seule trame les lambeaux des pièces de quelque haleine insérés dans cette édition. C’est moi qui, adoptant la leçon qui me