Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/92

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lui j’y brûle ma vie ; comme lui j’ai besoin, pour déployer mes ailes, que dans la société il fasse beau autour de moi, et que mon esprit s’y sente environné et comme pénétré d’une douce température, celle de l’indulgence ; j’ai l’esprit et le caractère frileux.

J’ai besoin que les regards de la faveur luisent sur moi. C’est de moi qu’il est vrai de dire : « Qui plaît est roi, qui ne plaît plus n’est rien. » Je vais où l’on me désire pour le moins aussi volontiers qu’où je me plais.

J’ai de la peine à quitter Paris, parce qu’il faut me séparer de mes amis, et de la peine à quitter la campagne, parce qu’il faut me séparer de moi.

J’ai la tête fort aimante et le cœur têtu. Tout ce que j’admire m’est cher, et tout ce qui m’est cher ne peut me devenir indifférent.

Philanthropie et repentir est ma devise.

J’aime peu la prudence si elle n’est morale. J’ai mauvaise opinion du lion depuis que je sais que son pas est oblique.