Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/218

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Il n’est pas bon de donner à certains mots une valeur qu’ils n’ont pas, et un sens qu’ils ne sauraient avoir, comme on l’a fait récemment du vers de La Fontaine : notre ennemi, c’est notre maître, en disant de Louis Xiv : il craint même, étrange faiblesse ! L’Homère du peuple bêlant, et mon La Fontaine le blesse d’un mot de son âne parlant.

La fable de l’âne et du vieillard est plus ancienne que l’histoire. Connue en Grèce sous le nom d’ésope, elle l’est, en orient et aux Grandes-Indes, sous ceux de Lokman et de Pilpay. Elle a, de temps immémorial, circulé dans le monde, sans y causer aucun désordre, et sans inquiéter les esprits les plus ombrageux.

Ni Crésus, ni Cyrus, ni Aureng-Zeb, ni Cha-Abbas, ni aucun potentat connu, avant l’année 1700, ne s’en sont trouvés offensés.

Il ne nous paraît pas probable que Louis Xiv en ait eu peur, et que le naïf La Fontaine ait fait trembler ce monarque, pour un vers mal