Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/457

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449 _ Je hais ces horribles maximes, comme auraient fait les anciens sages; je hais la liberté, comme l’entendent les modernes. J’aime l’ordre, et n’aime que lui, parce qu’il est le besoin de tous les pays, de tous les temps et de tous les hommes; l’ordre , dont le nom seul, quand il est en honneur, et l’idée seule , quelque confuse qu’ellc soit , rendent les hommes meilleurs et au dedans et au dehors, tandis que le nom seul, la seule idée de liberté qui n’ex- priment et ne présentent pour nous qu’une exemption de frein et de regle , nous dépravent nécessairement et au dehors et au dedans. Ce mot a pour nous, depuis le chris- tianisme, un son et un sens qu’il n’avait pas auparavant. Il ne signifiait qu’une espece de gouvernement tout aussi régulier qu’un autre; chez nous, il tombe sur les moeurs, et n’exprirne en réalité que beaueoup de dévergondage dans les lois et dans les humours. Un homme libre, chez les aneiens, était respectueux et soumis a son pays, com- me un esclave; un homme libre, aujourd’hui, se montre hardi et maitre de lui-méme comme un tyran. Comparez Aristide, ou tout autre ancien , a lord Cochrane, et vous comprendrez ce que je veux dire, mais ce que je n’ai pas le temps de dire mieux. En résumé , votre pays est fou , et le mien aussi; mais c’est le votre qui a perdu le mien, qui ne vaut plus mo- me le votre; et ces deux—la pcrdront les autres , si quel- que force, unie a la justice et a la raison, ne vient pas , je ne sais d’oi1 , mettre la folie aux fers et les erreurs do- minantes dans un puits. En attendant, riez de vos attrou— pements, comme nous rions de nos clubs; il en résultera un genre humain abominable; mais il est fort possible qu’au milieu de ces oombustions , nous vivions tout notre age, et que nous mourions meme dans nos lits. ri. 29