Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/60

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« moi, j’en étais haïe et ne puis lui survivre ! " la douceur du son, dans le mot haïe, en tempère le sens et adoucit ce qu’il a de rude.

De ce mélange de la rigueur du sens et de la douceur du son, il ne résulte qu’un mot triste : et les mots tristes sont beaux.

Ce n’est pas tant le son que le sens des mots, qui tient si souvent en suspens la plume des bons écrivains. Bien choisis, les mots sont des abrégés de phrases. L’habile écrivain s’attache à ceux qui sont amis de la mémoire, et rejette ceux qui ne le sont pas. D’autres mettent leurs soins à écrire de telle sorte, qu’on puisse les lire sans obstacle, et qu’on ne puisse en aucune manière se souvenir de ce qu’ils ont dit ; ils sont prudents. Les périodes de certains auteurs sont propres et commodes à ce dessein.

Elles amusent la voix, l’oreille, l’attention même, et ne laissent rien après elles. Elles passent, comme le son qui sort d’un papier feuilleté.

Il serait singulier que le style ne fût beau