Page:Jouffret - De Hugo à Mistral, 1902.djvu/110

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écrite différemment, rayaient traitée en princesse (car autrefois nous n’avions pas d’autre langue) et lui rendaient tous les honneurs que réclamait sa dignité. » (La Calanco, par L. Astruc.)

Ce furent ces questions d’orthographe et de linguistique qui amenèrent la rupture entre l’école de Marseille et l’école d’Avignon. Dans cette dernière ville, Roumanille avait de bonne heure compris la nécessité qui s’imposait aux ouvriers de Ja renaissance provençale, s’ils voulaient aboutir, de coordonner leurs efforts, de fondre les sous-dialectes locaux en un dialecte unique, d’établir sur des bases solides, éprouvées et vérifiées par l’érudition, la langue provençale. Ce travail considérable, commencé par Roumanille, a été achevé par Mistral, et trouve son expression dans le Dictionnaire de la langue provençale (Trésor du Félibrige) admirable recueil de tous les mots usuels et techniques, où se trouvent ressuscites un assez grand nombre d’archaïsmes, très heureusement choisis, et qui ne pèche quelquefois que par la faiblesse des étymologies adoptées. Les Marseillais n’acceptèrent pas le plan de réformes qui leur était proposé, et en 1854, Roumanille et ses amis (ils étaient sept), réunis à Font-Ségugne, fondèrent leur nouvelle association, et comme première manifestation de leur indépendance, adoptèrent le nom de Félibres. Le Félibrige était né.

Ce nom de Félibre, qui a eu depuis lors une belle fortune, est un mot d’origine douteuse, incertaine, que les poètes provençaux , épris de folk-lore, ont recueilli de la bouche d’une vieille femme qui leur récitait des chansons populaires: dans l’une de ces chansons, il était question des sept docteurs de la loi, avec lesquels Jésus se trouvait dans le temple de Jérusalem.

Emé li sèt félibre de la Lèi.

Le mot n’a pas d’autre autorité. Il symbolise ce qu’il y a d’archaïque, et aussi d’artificiel par certains côtés dans la poésie néo-provençale.