Page:Jouffret - De Hugo à Mistral, 1902.djvu/51

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abstraite, par concepts et par raisonnements logiquement enchaînés, non, V. Hugo ne fut pas un penseur. On ne peut lui reprocher de ne pas avoir été Descartes ou Kant, — car (je ne craindrai pas de répondre à une critique absurde par un raisonnement absurde) s’il avait été l’un ou l’autre, il n’aurait pas été V. Hugo.

Mathématicien, il ne le fut à aucun degré. Il s’était préparé dans sa jeunesse à l’École Polytechnique, sur l’ordre de son père, mais il se lassa bientôt d’être écartelé « sur le chevalet des X et des Y » et nul ne regrettera qu’il ait abandonné cette vocation forcée.

Savant, il ne le fut pas davantage, si nous prenons ce mot dans son sens ordinaire. V. Hugo n’avait pas de connaissances sérieuses de physique, ni même le sens des choses de la science. L’érudition chez lui n’est pas moins vague, courte, mal informée, prétentieuse. Qu’il s’agisse de philosophie ou d’histoire — sauf, bien entendu, l’histoire contemporaine, — on sent qu’il ne connaît pas les choses d’original, qu’il n’a jamais lu les textes, qu’il n’a même pas abordé l’étude des ouvrages de seconde main. Il parle au hasard d’Arius, de Calvin, d’Anaxagore, de Plaute etc. il en parle à peu près comme le peuple au moyen âge parlait de Virgile. Je n’insisterai pas sur ce défaut qui dépare surtout les œuvres de la vieillesse et qui rend presque illisibles l’Âne, Religion et Religions et quelques pages de la dernière série de la Légende des siècles. Je préfère citer deux exemples — il y en a d’autres heureusement — où cette fantaisie a mieux servi notre poète. M. Paul Stapfer relève dans Booz endormi une erreur géographique qui avait échappé aux critiques les plus pénétrants.

« Tout reposait dans Ur et dans Jérimadeth, »


dit un vers harmonieux. Jérimadeth? quelle est cette ville ? On peut chercher dans toutes les cartes de l’ancienne Pa-