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J.-H. ROSNY

son sillon. Et les légendes bêtasses grandissaient autour de lui : un ancien ouvrier mécanicien ne sachant pas lire à seize ans et s’instruisant lui-même ; un exilé politique dissimulé sous un faux nom ; un révolutionnaire socialiste réfugié dans la littérature ; et patati et patata. L’auteur de Marc-Fane — indifférence ou mépris ? — ne démentait rien et semblait se complaire dans ce mystère.

En réalité, tout se résumait à l’histoire assez vulgaire d’un jeune homme, presqu’un enfant, qui, à la mort de son père, avait dû énergiquement lutter contre les âpretés de la vie ; d’interminables jours gris passés à aligner des chiffres chez un commerçant ; puis, grâce à un petit héritage, la délivrance et l’envolée vers le travail, un travail incessant et enragé, activé par une facilité d’assimilation prodigieuse et la soif de tout connaître, de tout apprendre, de tout approfondir ; un long séjour en Angleterre ; le modeste pécule épuisé, le retour à