Page:Jourde - Souvenirs d’un membre de la Commune.djvu/38

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garde des prisonniers. Pour accomplir son voyage quotidien entre Nouméa et la presqu’île, Granthille avait une barque légère pouvant à peine contenir six personnes ; son équipage se composait de deux indigènes chargés de vaincre, à l’aviron, le courant et la brise, les jours où la direction du vent ne permettait pas l’emploi de la voile latine, grande comme un mouchoir de poche, qui composait seule tout l’équipement de la fragile embarcation.

Le 26 février, l’ami Bastien me reçut à son bord et nous nous dirigeâmes de toute la vitesse de nos rameurs vers la presqu’île Ducos.

A notre gauche nous apercevons distinctement les établissements de l’île Nou, sur lesquels trois cents condamnés de la Commune subissent les plus épouvantables tortures.

J’avais là de nombreux amis. Humbert, condamné aux travaux forcés à perpétuité, pour avoir participé à la rédaction d’un journal, sans qu’on pût mettre à sa charge un seul des articles incriminés.

Trinquet, mon collègue de la commune, l’énergique accusé du troisième conseil de guerre.

Maroteau, mourant à l’hôpital du bagne. C’est à la mère de Maroteau sollicitant un adoucissement dans l’application de la peine que Victor Lefranc, alors ministre de l’intérieur, répondit : Madame, je ne connais qu’un bagne !

Roques de Fillol, le maire de Puteaux, jeté nu et bâillonné au fond d’un cachot. Employé chez le colonel Charrière, directeur de la Transportation,