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Page:Journal (Lenéru, 1945).pdf/121

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ANNÉE 1889

ANNÉE 1889 119

Champ de Bataille, elle avait mis un manteau qui m’avait tellement plu, que je m’étais juré d’en avoir un pareil, car je croyais impossible que la mode l’abolisse, Elle avait acheté pour Raymond des choses qui se mangent et pour Louis, un faux pain qu’elle avait mis dans sa serviette ; ce pain les ré- concilia d’une querelle qui durait depuis quelques jours et dans laquelle je me rappelle que M. B. avait remis Louis à sa place.

Maintenant, je m’arrête, mais je continuerai plus tard. J’ai fait comme les vieux qui s’oublient dans leur souvenir ; mais cette intimité avec les B. avait été si agréable et a fini si tris- tement, que je tiens à ne pas oublier les bons moments qu’elle nous a procurés.

Mardi 10 juillet.

Aujourd’hui je vais sortir, si ce n’était pas pour aller rue Bonaparte, j’aimerais assez cela. J’ai encore des névralgies, c’est très ennuyeux de n’être jamais tout à fait bien ; mais je puis assez supporter, car je pense toujours à ce signet de Ste Thérèse que j’écris partout et qui commence par : « Que rien ne te trouble, que rien ne t’épouvante, fout passe. » Sans cette pensée j’aurais eu bien de la peine à ne pas me mettre en colère, mais je sais encore que : « Vouloir ce que Dieu veut est la seule science qui nous mette en repos », et puis « souffrir passe, avoir souffert demeure éternellement ».

Maintenant je recommence mon journal de souvenirs qui m’aidera énormément lorsque j’écrirai mon histoire, Un jour, nous étions tous allés à la mairie, la véille du mariage de Mie de V., je crois ; Berthe m’avait demandé si je voudrais me marier avec Georges et j’avais répondu qu’il était trop vieux. A la mairie, M. B. avait fait semblant de me poser les ques- tions d’usage, j’avais tellement eu peur qu’on me marie que je m’étais jetée en sanglotant sur les genoux de Berthe. Mais après, je m’étais familiarisée avec la chaire et j’y étais montée moi-même ; il y avait des battants à des rangées de pupitres,