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346 JOURNAL DE MARIE LENÉRU

pour rien, les scènes entre comparses, les répliques insigni- fiantes, vous n’avez pas un drame traité au quart du Redou- table. |

Ermitage.

À Hadaly. Savez-vous que j’avais fait avant mon départ la connaissance de Mme de Noailles ? Elle avait demandé à Mme Goyau de nous réunir. Elle a l’air d’un aigle, elle a l’air de ce quelle est, les yeux, les cheveux sur les yeux, le nez et la bouche hélas ! tout y est. Mais elle n’a pas les manières d’un

— aigle. Gestes de vieille dame ou de prédicateur de campagne, exactement ceux qui me désolent chez mes braves comédiens ; elle n’a pas l’intelligence du geste, J’ai été charmée en ce qui m’a plu et en ce qui m’a déplu, bien moins effrayante que je ne craignais. Comme dans ses livres, mais plus dangereuse- ment pour elle, elle frise le ridicule. Andrée vous racontera son entrée sensationnelle ; elle me disait : le capitaine Fra- casse.

Bonne.

Toutes ces femmes si âpres au plaisir, une excursion, un spectacle, je sens là un sauve-qui-peut de la jouissance qui me dégoûte. Est-ce éducation, l’atavisme de céder sa place ? Est-ce l’ascétisme religieux, la supériorité apprise du renon- cement ? Serait-ce enfin un instinct qui m’est propre… à moi et à Robespierre : le désintéressement de ceux qui veulent tout prendre à la fois ?

(N’y a-t-il) pas dans cette haine des chastes comme une révolte populaire ? Allez, chère amie, être intacte est encore la santé suprême et l’état supérieur… seulement il y a le cœur.