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CHAPITRE II

causa un chagrin mortel. On me sépara de ma bonne Marguerite et, quoiqu’elle restât dans la maison, elle ne vint presque plus dans ma chambre. Ma tendresse pour elle s’en augmenta. Je m’échappais à tous moments pour aller la retrouver ou pour la rencontrer dans la maison, et ce fut une cause nouvelle de gronderies et de pénitences. Combien l’on doit songer, quand on élève des enfants, à ne pas les blesser dans leurs affections ! Que l’on ne compte pas sur l’apparente légèreté de leur caractère. En écrivant, à cinquante-cinq ans, les humiliations que l’on fit éprouver à ma bonne, tout mon cœur se soulève d’indignation, comme il le fit alors. Cependant cette Anglaise était agréable. Elle ne me plut que trop. Elle était protestante, avait eu une conduite plus que légère et n’avait jamais lu que des romans. Elle me fit beaucoup de mal....

III

Revenons à mon récit. Nous allâmes à Bruxelles, dans la maison de ma tante. Elle était au dernier degré d’une consomption qui n’avait rien changé à l’agrément et à la beauté de sa figure vraiment céleste. Elle avait deux enfants charmants, un garçon de quatre ans — le présent lord Dillon[1] — et une fille qui fut depuis lady Webb. Je m’amusais beaucoup de ces enfants. Mon plus grand bonheur était de les soigner, de les endormir, de les bercer. J’avais déjà un instinct maternel. Je sentais que ces

  1. Henry Augustus XIIIe viscount Dillon.